Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

LE PETIT HOMME

26 décembre 2016

DIVAGATION AUTOUR D UNE PASTEQUE

 

 

 

Il était assis parmi les spectateurs d’un théâtre mourant

Gardant sur ses genoux une pastèque qui l’avait ému quelques instants plutôt, quand parcourant le marché du vendredi, son regard avait été attiré par une plainte discrète : une énorme citrouille d’un jaune insolent étouffait cette pastèque verte d’impuissance, entourée de melons indifférents et désinvoltes.  Il l’avait recueillie  désirant la soustraire à cet environnement perturbant.

 

A son arrivée, sa voisine lui avait lancé un regard étrange, mélange de gêne et d’incompréhension.  Arriver au théâtre avec une pastèque dans ses bras, n’est-ce pas un signe de dérangement ?

 

 Cette pièce de théâtre  n’était pas à son gout. Les mots suivaient les mots, mais les idées lui semblaient mortes. Les comédiens criaient des phrases édulcorées. La performance avait détruit l’esthétique et anesthésié le sens.

Et lui, il regardait sa pastèque.

 Soudain, celle-ci,  lui échappa des mains et explosa, éructant ses pépins dans tout le théâtre. Sa voisine en reçu une grosse giclette qui lui barbouilla le visage. Ses yeux trahissaient la fureur et la stupéfaction. Elle aurait voulu le gifler mais il s’était mis en boule sous son siège. Il s’était déconnecté.

 

Un spectateur prit peur et s’exclama : « alerte à la pastèque, évacuez le théâtre, alerte à la pastèque »

 

 Comme un vol de moineau, le public s’envola au-dessus des fauteuils pour se poser délicatement sur la place du théâtre attendant la police et les services de sécurité. L’attente fut longue, la gravité de la situation justifiait la présence d’expert en pastèque.

 

Le public restait là, voulant comprendre ce mouvement de panique qui l’avait gagné au seul cri « alerte à la pastèque »

 

Le pasquetier, ou expert en pastèque, arriva enfin, chevauchant  une grosse tomate rouge par le plaisir d’avoir été choisie. IL rentra calmement dans le théâtre vide. Il examina la pastèque morte et les pépins pleins de vie qui s’étaient répandus sur  les sièges. Pensif, il plaignait cette pastèque humiliée par les légumes et les fruits qui composaient l’étal du primeur dans lequel elle avait été prisonnière. Il s’approcha de celui qui en boule sous son fauteuil pleurait de n’avoir pas su protéger sa pastèque de ces mots insensés et morts avant d’avoir été prononcés et  clamés sur la scène  pour le plaisir du paraître et non celui d’exister.

 

Observant le théâtre, le pasquetier ou expert en pastèque fut soudain gagné par un sourire. Il avait  tout compris. Il sortit du théâtre et s’adressa à la foule impatiente de connaître les conclusions de son expertise pasquetière :

 

Mesdames et Messieurs, la pastèque est morte,  dans l’étal du primeur elle a souffert d’une vie sans partage et au théâtre ce soir les mots la rejetaient sans vouloir la comprendre,  mais elle nous a laissé ses pépins qui éclosent les uns après les autres dans le théâtre. Ils sont différents de vous, mais ils ne vous ont rien fait.  Ils ne demandent que votre respect.

N’ayez aucune crainte, allez les recueillir, plantez les dans un pot ou dans votre jardin,  attendez patiemment, ils sauront vous ravir.

 

 

Pour comprendre ce texte :

« il » est un homme qui se cherche

« la pastèque » est le symbole du racisme aux USA

« les pépins » ceux dont nous nous méfions

 

Publicité
Publicité
LE PETIT HOMME
Publicité
Archives
Publicité